Alimentation animale Une timide éclaircie
Dans un contexte géopolitique complexe, la production française d’aliments pour animaux redresse un peu la tête. À la recherche des leviers d’amélioration de sa productivité, la nutrition animale creuse le sillon des solutions phytogéniques et de la précision des apports. Tout en poursuivant la décarbonation du secteur.
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Avec un rebond des volumes de 1,7 % en 2024, la nutrition animale française a soufflé un peu l’an dernier. 2025 a également plutôt bien démarré, même s’il restera compliqué d’atteindre l’objectif de 20 Mt dès cette année. Dans un contexte baissier des matières premières, les fabricants d’aliments ont toutefois du mal à répercuter l’intégralité de leurs coûts industriels, dont la progression est estimée entre 15 et 20 %. Tous ont augmenté, que ce soit l’énergie, la logistique, la maintenance, les salaires et les services dont l’informatique afin de se protéger des cyberattaques notamment. Le risque reste donc de maintenir la rentabilité des entreprises.
L’incertitude rend de surcroît les marchés nerveux et difficiles à lire, qu’il s’agisse des modalités d’application du règlement européen contre la déforestation importée, qui doit entrer en vigueur fin 2025 mais qui pourrait être simplifié, du règlement des conflits commerciaux avec les États-Unis et la Chine, dont les taxes antidumping sur les additifs en commençant par la lysine, ou de l’impact de l’agression russe en Ukraine. Cette dernière pose la question de l’accès aux matières premières comme celle de la concurrence des importations de produits animaux tels que les volailles de chair et les œufs.
Proche du « zéro déforestation »
La baisse des cours des matières premières au niveau international a soutenu la croissance des importations de soja cette année. Le GIE Appro Feed Sud-Est (ex-Oqualim Sud-Est) l’illustre avec une progression de 41 % des volumes reçus pour la nutrition animale au port de Sète en 2024 : 32 navires y ont accosté en 2024 contre 23 en 2023 et 20 en 2022. Ils ont déchargé 339 480 t de tourteaux. Toutes les catégories de matières premières progressent : le soja standard enregistre ainsi + 40 % à 182 529 t, le soja premium (tracé) + 50 % à 35 786 t, le tournesol HiPro + 35 % à 94 824 t, et le colza + 59 % à 26 341 t. C’est la troisième année consécutive d’arrivée de tourteaux de colza dans le port, plutôt habitué à recevoir des graines destinées à l’usine Saipol s’y trouvant.
Au total, selon l’observatoire Duralim, 99,3 % du soja consommé en France par les principales filières animales est considéré comme « à faible risque » de déforestation et de conversion des terres dans le pays de production.
Dégradation de la souveraineté
Outre l’impact de la géopolitique mondiale sur les marchés des matières premières et des produits animaux, les fabricants d’aliments s’inquiètent toujours de la dégradation des taux d’auto-approvisionnement français en produits animaux. Il n’est plus que de 93 % en volume, toutes espèces confondues, avec de grandes disparités : 104 % en viande bovine, 56 % en viande ovine, 100 % en porc (mais variable selon les pièces), 83 % en volaille (quand la France était à 158 % en 2000). « Dans un contexte géopolitique en évolution, la souveraineté alimentaire semble enfin devenir un enjeu national, souligne Ludovic Michel, président de Nutrinoë. Mais elle fait face à des injonctions contradictoires permanentes et la simplification est indispensable pour y arriver. Le renouvellement des générations agricoles et la transmission des exploitations restent des priorités. » « Nous sommes un secteur dit intermédiaire dans les chaînes de valeur, mais nous nous sentons pleinement dans la chaîne agroalimentaire. Le dialogue entre l’amont et l’aval est essentiel », renchérit François Cholat, président du Snia.
Sur ce sujet comme sur celui de la décarbonation, le collectif reste une valeur sûre. Les trois syndicats français (l’Afca-Cial, La Coopération agricole Nutrition animale et le Snia) travaillent de concert sur des méthodologies partagées comme le calcul de l’empreinte carbone ou la réduction des émissions de méthane entérique. Différents leviers alimentaires sont en effet à disposition des éleveurs pour contribuer à les réduire, l’usage d’un additif étant loin d’être la seule réponse. Afin de les mettre en lumière, une synthèse scientifique a été diffusée fin 2024. Ce travail s’inscrit dans le cadre de la feuille de route du secteur dont l’ambition est de baisser de 20 % les émissions de gaz à effet de serre du volet alimentaire de l’élevage en France.
L’IA à l’affût
Et l’innovation se poursuit, comme le révèlent les Innov’Space 2025. Représentatives des tendances, ces récompenses pointent ainsi cette année deux grands axes : la généralisation et l’usage affiné des extraits de plantes (lire encadré), et les outils numériques pour une alimentation et un élevage de précision soutenus par l’arrivée de l’intelligence artificielle. En témoigne un premier outil d’aide à la décision mis au point par le groupe Michel, CoMi Sense, qui s’appuie sur la surveillance automatisée et en temps réel des volailles de chair grâce à l’analyse du son et de la vidéo, et à l’IA. Il permet d’optimiser les performances et le bien-être des animaux en détectant très tôt des anomalies ou des stress, tout en allégeant la charge mentale pour l’éleveur.
En outre, l’environnement est toujours un axe fort. DSM-Firmenich est d’ailleurs récompensé pour Sustell, sa plateforme informatique accessible en ligne pour calculer les 19 critères de l’analyse de cycle de vie d’un produit à différentes étapes de la production de protéines animales (avicole, porcine, ruminant, aquacole). Le bilan peut se réaliser au niveau de la fabrication des aliments pour animaux, de l’atelier dans l’exploitation agricole ou de la transformation.
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