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LE NÉGOCE À LA UNE Le nouveau visage d’Alternative collecte

« Je préfère partager la valeur avec l’agriculteur qui stocke, parce que ça permet d’avoir une relation beaucoup plus durable », estime Romain Zanatta, dirigeant d'Alternative collecte.

Romain Zanatta, 41 ans, a pris le relais de son père Jean-Pierre à la tête du négoce familial Alternative collecte. L’entreprise, basée à Avignonet-Lauragais (Haute-Garonne), a pris plusieurs tournants : la digitalisation, une nouvelle organisation du travail, la relance de l’approvisionnement… Le tout sans oublier les bases que sont « la proximité, la transparence, la valorisation économique des exploitations ».

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Le changement dans la continuité. C’est, en quelque sorte, l’aphorisme qui résume l’actualité d’Alternative collecte. Le négoce familial, dont le siège est à Avignonet-Lauragais (Haute-Garonne), est en effet dirigé depuis deux ans par Romain Zanatta, 41 ans. Il n’est autre que le fils de Jean-Pierre, qui a créé l’entreprise en 1985, à proximité des terres familiales, et le petit-fils de François, « immigré italien et maquignon. Bref, je suis la troisième génération de négociant », note Romain Zanatta. Alors, en dépit d’une longue parenthèse en marketing, management et conseil digital loin du Lauragais, le quadragénaire connaît les fondamentaux du négoce : « la proximité, la possibilité de parler aux agriculteurs d’entreprise à entreprise, la transparence, la nécessité de valorisation agronomique mais aussi économique et patrimoniale des exploitations », liste-t-il.

Dans cette terre du Sud-Ouest où « il y a beaucoup de coopératives, nous devons nous affirmer comme négoce, avec ce qui fait nos spécificités, notre identité ». Ce fil rouge est aussi incarné par Jean-Pierre, qui vient toujours donner un coup de main dans l’entreprise, tout en souhaitant laisser les mains libres à son fils. « J’ai encore besoin de lui, assure le jeune dirigeant. Et je peux aussi compter sur l’appui de Reino Goris, le président, dont la famille est associée aux Zanatta depuis 2011. »

Ces appuis solides n’ont pas empêché Romain Zanatta d’apporter sa touche personnelle. Par exemple, en termes d’organisation de l’équipe. « L’ADN de notre négoce, c’est “l’humain au centre”. Ma volonté, c’est de faire de mon parcours une force mais de m’entourer de compétences fortes dans l’agriculture, que je n’ai pas, admet le directeur général. Depuis deux ans, j’ai trouvé les bonnes personnes pour travailler, ce sont elles qui font l’entreprise. » Pour en attirer certaines, pour en conserver d’autres, « j’ai eu des échanges avec elles sur la façon de s’organiser, pour qu’elles se sentent bien », témoigne-t-il. D’où la mise en place d’une « structure atypique », avec 15 personnes qui travaillent pour l’entreprise, dont une qui n’est pas salariée, le directeur approvisionnement. Le responsable silo a, lui, son temps de travail annualisé et les salariés administratifs sont au bureau sur la base de quatre jours par semaine.

Le stockage à la ferme privilégié

De même, cette structure à taille humaine permet un échange plus direct avec les 300 apporteurs que compte l’entreprise. « Notre volonté est de les faire monter en compétences. Et aussi de les aider à se poser des questions de chefs d’entreprise, sur la trésorerie, la transmission », énumère Romain Zanatta. Mais le négoce les soutient également de façon plus concrète : « S’ils ont une ETA, s’ils ont des capacités de stockage, je peux leur trouver des clients et leur assurer des revenus supplémentaires. »

Depuis toujours, Alternative collecte a d’ailleurs fait le choix de privilégier le stockage à la ferme : le négoce a eu au maximum deux silos, il en compte un seul aujourd’hui, au siège d’Avignonet. Romain Zanatta étaye : « Je préfère partager la valeur avec l’agriculteur qui stocke, parce que ça permet d’avoir une relation beaucoup plus durable. Par exemple, ça me permet de faire une plateforme d’essai chez certains de ces agriculteurs. » Aujourd’hui, le négoce s’appuie sur six silos gérés par des agriculteurs qui stockent pour son compte, et espère un septième l’année prochaine. De quoi mailler efficacement la zone couverte par le négoce, à savoir le sud du Tarn, le nord de l’Aude, la vallée de la Garonne et le Grand Lauragais.

Une palette de services diversifiée

S’il n’envisage pas d’agrandir sa zone de travail, le quadragénaire n’en est pas moins ambitieux. Ainsi, « dans trois ans, nous voulons passer à 80 000 t de collecte (contre environ 50 000 aujourd’hui) et doubler le chiffre d’affaires appro ». Il faut dire que l’appro, relancée il y a sept ans avec la création de la filiale agrofourniture Nature & Développement, représente environ 10 % du chiffre d’affaires. Romain Zanatta témoigne : « J’ai embauché pour développer cette partie. Et nous avons choisi de mettre en avant des produits spécifiques, qui apportent de la valeur, notamment via un partenariat fort avec Timac. On est donc moins sur des produits génériques. » « Et on aime beaucoup l’économie de la fonctionnalité, donc notre idée est de vendre un résultat plutôt qu’un moyen, souligne Jérôme Caylet, directeur approvisionnement. Le tout en proposant des forfaits aux agriculteurs. » En restant dans l’agriculture conventionnelle, le choix historique de la structure. « Et on a toujours été dans l’agriculture raisonnée », décrit Romain Zanatta.

Plus largement, « je développe, depuis mon arrivée, une palette de services », signale Romain Zanatta. Une offre qui s’appuie sur les demandes d’un panel d’agriculteurs que réunit le directeur général. « L’idée, c’est de savoir sur quoi ils nous attendent… ou pas », sourit-il. Plusieurs accompagnements sont donc désormais proposés. « On a un juriste fiscaliste, qui permet de les conseiller sur les investissements, les statuts d’entreprises, les investissements », égrène-t-il. Une offre est également en place autour de la performance de la production via la fertilisation des sols. Tertio, un travail sur la gestion des risques est engagé.

Enfin, des conseils sur la stratégie de commercialisation sont mis en avant. « On vient de lancer une appli de commercialisation des grains qui permet une simplification administrative du côté des agriculteurs et de l’entreprise. Mais ça joue aussi sur la transparence des prix et une réactivité plus facile de l’agriculteur aux évolutions du marché », se félicite Romain Zanatta. En parallèle, Alternative collecte a organisé des réunions de formation et compte constituer, l’année prochaine, un « club des marchés à terme ». Autre club qui pourrait être créé prochainement : celui autour de l’agriculture régénératrice et de l’accès aux crédits carbone. Deux alternants venus de l’école d’ingénieurs de Toulouse-Purpan travaillent d’ailleurs sur ces deux sujets. « On a une vraie volonté de développer l’emploi des jeunes. Donc l’envie, c’est que certains de ces jeunes puissent rester dans l’entreprise, proposer des idées… », soutient Romain Zanatta.

De la valeur ajoutée pour les blés

L’un de ces alternants planche aussi sur le développement de filières de qualité. « Mon père avait déjà bossé là-dessus, met en avant Romain Zanatta. On a une filière autour de l’oisellerie, avec le sorgho blanc. » Laquelle tend à se développer, pour passer de 500 t il y a quelques années à 1 500 t projetées en 2024. « Historiquement, on a aussi toujours fait du pois chiche, ajoute Guillaume Pinel, directeur commercial et collecte. Le problème, c’est l’instabilité de la demande, mais elle semble se raffermir. » Des contrats ont déjà été signés avec une entreprise des Bouches-du-Rhône. « Cette année, nous avons quelques centaines de tonnes, calcule-t-il. L’objectif est de viser 500 ha de production, donc 1 000 t de pois chiche dans quelques années. » Le négoce a aussi le projet de mettre en place une filière lentille. « Ce n’est pas simple, parce qu’il ne faut pas trop d’eau ! Donc ce n’est pas la bonne année pour en parler. »

Romain Zanatta aimerait aller plus loin, « notamment autour de nos deux cultures phares que sont le blé tendre et le blé dur. Je veux aller chercher des solutions pour les cultures qui sont les plus déployées dans notre zone et ce dès l’année prochaine. » Côté blé tendre, le dirigeant a fait « le tour des moulins locaux pour voir quels sont leurs besoins et leurs attentes et rentrer dans des cahiers des charges. » La tâche s’annonce plus ardue côté blé dur, dans des négociations avec de gros acteurs. Mais Alternative collecte espère pouvoir s’appuyer sur le Plan souveraineté blé dur lancé par l’État en février dernier. « Et j’aimerais que les agriculteurs continuent le blé dur, ne s’en éloignent pas à cause de problèmes de qualité. Parce que le blé dur est ce qui fait la spécificité de notre territoire et répond à des questions de souveraineté alimentaire, fait valoir Romain Zanatta. On a le terroir, le climat pour le blé dur, nous devons contribuer à la souveraineté alimentaire de la France. »

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