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Tuer les insectes au silo avec des micro-ondes

La colonne de descente des grains (verticale et cylindrique) permet d’exposer ces derniers aux ondes (via le guide d’ondes métallique et rectangulaire).

Selon des essais d’Arvalis, le chauffage électromagnétique est efficace, en quelques secondes, pour éliminer les charançons du riz présents dans le blé et l’orge. Océalia et Axéréal, qui ont participé au comité de pilotage, témoignent de l’intérêt de cette technologie.

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«La lutte électromagnétique n’est pas nouvelle, mais l’innovation de l’étude GRANIonde (1) consiste à intégrer ce système de traitement par micro-ondes à un silo, en conditions réelles, grâce à notre partenaire Sairem », souligne Marine Cabacos, ingénieure en R&D sur la protection des grains stockés du service qualités et valorisations chez Arvalis. « Ainsi, on a pu démontrer l’efficacité de ce traitement, mais aussi étudier ses conséquences sur la qualité du grain ainsi que son coût. »

L’exposition des grains aux ondes est de quelques secondes, au niveau du centre de la colonne sur laquelle est raccordé un guide d’ondes métallique, lui-même connecté à un générateur (54 kW, avec une fréquence de 915 MHz). Selon les différentes intensités (pour atteindre 60, 70 ou 80 °C) et les débits de passage (1,4 ou 2,1 t/h) testés sur blés tendres et orges issus de la récolte 2024, un compromis entre efficacité insecticide et préservation de la qualité du grain a été trouvé. « Avec une température cible d’au moins 70 °C, l’efficacité insecticide des micro-ondes sur blé et orge est totale sur les charançons du riz, adultes comme juvéniles, quel que soit le débit de chantier », résume Marine Cabacos. Plusieurs OS cherchent depuis longtemps des solutions alternatives aux insecticides tels que Axéréal (lire ci-contre) et Océalia. « Nous nous étions déjà intéressés aux micro-ondes avec différents fournisseurs, mais rien de concret, souligne son responsable qualité, Didier Renou. Ces résultats nous confortent sur l’intérêt en blé tendre. »

Teneur en eau impactée

Concernant la qualité du grain, « la teneur en eau est le premier critère impacté significativement par le passage du blé au micro-ondes, avec une perte moyenne de 0,4 % », relève l’ingénieure. Cette perte est supérieure à 0,5 % pour un débit de 1,4 t/h de blé à partir de 70 °C. Sur orge, les pertes en eau sont un peu plus élevées (environ 1 %). Le poids spécifique connaît une baisse, de l’ordre de 0,6 kg/hl en blé et de 0,9 kg/hl en orge, sans lien avec l’intensité du chauffage micro-ondes. Si de faibles variations ont été observées sur les critères technologiques, elles ne modifient pas l’aptitude du blé à la transformation en meunerie ou boulangerie. Le chauffage par micro-ondes n’a pas non plus révélé d’impact sur l’indice de consommation ni le gain de poids de jeunes poulets. Cette méthode de désinsectisation de la matière première destinée à la formulation d’aliments pour animaux est donc validée.

À noter en revanche que les micro-ondes, pour une température cible d’au moins 70 °C, ont abaissé l’énergie germinative de l’orge de brasserie sous le seuil des 95 % requis pour ce débouché. « Pour préserver sa valeur marchande en cas de débouché brassicole, l’utilisation des micro-ondes semble délicate, à moins d’accepter une désinsectisation incomplète, de l’ordre de 95 %, avec une température de chauffe plus faible à 60 °C », souligne Marine Cabacos. Pour Didier Renou, « cette baisse de faculté germinative est rédhibitoire, et l’orge ne permettrait donc pas d’amortir l’investissement qui est colossal alors que le contexte agricole est très difficile. »

Coût de fonctionnement à 7,5 €/t

La consommation électrique du chauffage des grains par micro-ondes a été évaluée, en moyenne, à 7,50 €/t de céréales chauffées. À ce coût de fonctionnement, il faut ajouter l’investissement pour l’équipement. Pour un générateur capable de traiter 4 t/h avec les ondes, il faut compter environ 200 000 €, auxquels il faut ajouter les travaux structurels pour intégrer le dispositif. « Le principal frein associé à la mise en œuvre des méthodes de lutte alternative reste leur coût, rappelle Marine Cabacos : 30 €/t pour un conditionnement des grains sous atmosphère contrôlée, 13,70 €/t pour un traitement par la chaleur via un séchoir au propane, 10 €/t pour l’usage de poudres minérales, contre moins de 1 €/t pour un insecticide conventionnel. »

« Cette technologie intéressante serait à tester sur des marchés de niche tels que les pois, les haricots ou les lentilles, note Didier Renou. Les semenciers pourraient également s’emparer de cette technologie, avant qu’elle ne se développe chez les OS, selon leurs débouchés. »

(1) Menée par Arvalis avec le financement de l’Agence nationale de la recherche et de l’Office français de la biodiversité.

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